Dès son premier meeting de candidature, Emmanuel Macron a proposé, à la surprise générale, de supprimer la CAP. Que la suppression « faciale » d’une taxe affectée soit populaire est une chose, passer par pertes et profits un mode de financement garant de l’indépendance du service public en est une autre.
Tous les rapports parlementaires ont fort justement rappelé l’impérieuse nécessité de dégager un financement pérenne et dynamique, affecté directement à l’audiovisuel public et adapté aux nouveaux usages. Rappelons que les inspections générales des finances et des affaires culturelles doivent remettre au Premier Ministre un rapport au printemps sur la réforme du mécanisme de la redevance.
L’idée de budgétisation du financement de l’audiovisuel public est une voie dangeureuse qui va fragiliser l’audiovisuel public même dans un cadre de programmation pluri annuelle. En effet, les exemples sont multiples où l’Etat a modifié année après année les trajectoires financières des Contrats d’Objectifs et de Moyens signés pourtant peu de temps auparavant. Plus loin de nous, la budgétisation censée remplacer la suppression de la publicité après 20 heures a fait long feu dès les premières turbulences de la crise financière d’octobre 2008. Certes, chaque année le montant de la redevance peut être modifié dans le cadre de la loi de finance, mais la redevance a le mérite de créer un lien direct entre les citoyens et les services publics tout en diminuant le risque d’une dépendance à l’orthodoxie budgétaire annuelle.
Le contexte de cette annonce vient renforcer les vives inquiétudes de l’ensemble de la filière. Eric Zemmour et Marine Le Pen en campagne ont déjà évoqué le démantelement de l’audiovisuel public. Or, jamais les Fake News, les tentatives de désinformation n’ont rendu plus nécessaire sa mission d’information indépendante, que ce soit en télévision ou en radio, notamment auprès des publics jeunes. Enfin sur le plan économique, cette annonce intervient dans le contexte du projet de fusion TF1-M6, dont les conséquences sur la vitalité de la production indépendante sont très inquiétantes.
Pour rappel, pour 1€ de redevance dépensé, 2,4€ additionnels sont générés dans l’économie. A elle seule, France Télévisions génère 4,4 mds€ de PIB, soit plus qu’une société comme Airbus par exemple. Ajoutons l’impact social : pour 1 emploi direct à France Télévisions ce sont 5,1 emplois supplémentaires directs créés dans d’autres entreprises (ce ratio n’est que de 2,7 pour la BBC).
Les comparaisons européennes sont aussi éclairantes et doivent être rappelées à tous ceux qui pensent que l’audivisuel public coute trop cher : le budget de l’audiovisuel public c’est 3,8 milliards d’euros en France, 6,9 au Royaume-Uni et 9,5 en Allemagne. Il convient aussi de rappeler que les programmes proposés sur le service public ne sont pas ceux que l’on retrouve chez les diffuseurs privés et cela notamment dans les programmes de flux.
La seule vraie question à laquelle la campagne doit permettre de répondre : défnir l’adéquation entre les moyens alloués à France Télévisions et ses missions, que sont informer, divertir, créer du lien social et être au service de tous les publics. Ainsi, profitons de ce débat pour procéder à l’indispensable modernisation des modes de contribution à l’audiovisuel public, tant au niveau des financements publics que des recettes commerciales et cela dans les meilleurs délais : il y a urgence et il conviendra d’être inventif, le SPECT prendra toute sa part au débat !
Le 10/03/2022
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